Des tramways dans les ruines... Le Havre 1947
Nous sommes en 1947. En attendant son embarquement pour les États Unis, un soldat américain doté d'une caméra 1435mm, film Le Havre, sa plage, son port, son centre-ville (ce qu'il en reste) et surtout ses trams.
http://www.youtube.com/watch?v=a_hNUOpst_c
En effet, Le Havre, la ville la plus détruite du pays, possédait il faut le souligner, le plus grand réseau de tram de l'après guerre en France. Sur 10 lignes existantes avant guerre (1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 6C - 7 - 8 - 9 - 10), 7 lignes ont été remises en service à partir d'Octobre 1944. Il s'agissait des lignes 1 - 2 - 3 - 4 - 6 - 6C - 8.
Les premières lignes à avoir été remises en service à la libération furent les lignes 2 (entre la Place Thiers et Graville), 3 (entre la Gare et les Grands Bassins) et 4 (entre la Gare et les Neiges).
Au lendemain de la libération, le réseau CTPO (qui s'appelait à l'époque CGFT - Compagnie générale française de tramways) se trouvait dans une situation délicate. Plus de la moitié des rails et catenaires étaient détruits. Les 3/4 des motrices et remorques étaient endommagées ou détruites par les bombardements sur les dépôts Paul Marion, de Colmar, de Graville et de la rue Jules Lecesne, eux même inutilisables. Fin 1944, sur les 90 motrices exploitées avant guerre, seul 25 étaient encore utilisables. De plus, la centrale électrique de la compagnie (rue Charles Laffite) était détruite. Enfin, la CGFT se trouvait face à une pénurie de main d'oeuvre puisque les 2/3 de ses employés évacués en Aout 1944, n'étaient pas encore revenus.
Petit à petit, grâce au dévouement de certains employés, le réseau pu petit à petit réouvrir certaines lignes. Ainsi à partir de Décembre 1944, la ligne 2 fut prolongée de la Place Thiers à l'Hotel de Ville et les lignes 3-4 de la Gare à l'Hotel de Ville.
En 1945, les voies furent intégralement reconstruites dans la rue Georges Braques, entre l'Hotel de Ville et le quartier Saint Vincent. Cette voie reconstruite fut baptisée la "voie M". Grâce à ces travaux, les lignes 1 - 6 - 6C et 8 furent remises en service pour desservir Sainte-AdresseSainte-Adresse (ligne 1), Sanvic (ligne 6), Bléville (ligne 6C) et Sainte Cécile / Aplemont (ligne 8). Pour cette dernière, suite à la réquisition du Tunnel Sainte Marie par les Allemands en 1942, une déviation fut établie par l'Hotel de Ville, la rue Pierre Faure et la côté d'Ingouville.
Cet important détour poussa la compagnie à imaginer un moyen de transport plus direct pour rejoindre la Gare à Aplemont sans passer par le tunnel Sainte-MarieSainte-Marie. C'est ainsi qu'en 1947, les premiers Trolleybus du Havre firent leur apparition sur la 8... mais ceci est une autre histoire.
"Storyboard" du film :
Une motrice H34 rénovée couplée à une remorque, passe devant la cité commerciale provisoire de la Place Thiers. Notre soldat cameraman est posté approximativement à l'emplacement du manège sur le parvis du Printemps. Pour information, le code "H34" signifie "HAVRE - 1934". Chaque motrice était désignée par sa ville (Le Havre) et son année de mise en service. En 1947, le réseau possédait principalement des motrices H32-H34-H36 et H47. Ce dernier millésime de rames toutes neuves fut envoyée sur le réseau de Hanoï (Indochine) au moment de la suppression des trams au Havre en 1951.
Même endroit aujourd'hui:
Gros plan sur le poste de conduite. Les Wattmans actionnaient une manivelle pour augmenter ou réduire le débit électrique, ce qui faisait avancer au ralentir le tram. A ce moment, le tram passe devant le cinéma REX (actuelle magasin DARTY)
Aujourd'hui:
La ligne 2 passe devant la bijouterie MILLAUD et MONOPRIX (en ruines). Les immeubles en arrière plan sont facilement identifiables de nos jours. Ils longent la rue du Docteur Vigné, qui monte au funiculaire. En arrière plan, le pavillon Chirurgie de l'Hopital Flaubert (actuelle maternité), qui porte encore les cicatrices des bombardements de Juillet 44.
Aujourd'hui:
La ligne 3 (Grands Bassins / Place Léon Carlier - Hotel de Ville), quitte la Gare. A cette époque les tramways des lignes 3 - 4 et 6 longeaient la façade sud de la Gare puis tournaient au niveau du beffroi pour rejoindre le Boulevard de Strasbourg...beffroi que l'on voit en arrière plan.
Cette motrice était une H34, comme celle que nous avons vu sur la ligne 2, à la différence près que celle-ci n'à pas jamais été rénovée. Elle porte encore en 1947, les stigmates des bombardements sur les dépots-ateliersdépots-ateliers de la CGFT. Au premier plan, un gendarme réglait la circulation au milieu du carrefour de la gare.
La ligne 3 emprunte le boulevard de Strasbourg pour rejoindre l'Hotel de Ville. Nous reconnaissons à gauche, l'Hotel des ventes (203 Boulevard de Strasbourg) et les ruines des immeubles voisins. En 1947 il était courant de voir des chevaux tracter des marchandises lourdes, souvent des gravats.
Aujourd'hui:
Nous sommes ici du côté de l'Hotel de Ville, plus précisément à la jonction avec le boulevard de Strasbourg. Notre soldat américain était approximativement à l'emplacement du Tabac "La Civette", devant le Crédit Lyonnais. Une motrice H36 précédée par une motrice H32 s'apprête à quitter la place de l'hôtel de Ville.
La motrice H36 circulait sur la ligne 6 (Bléville - Sanvic - Gare). Les motrices H36 se distinguaient par leur allure plus moderne et leurs vitres latérales carrées. En arrière plan, juste au dessus du tram, on distingue les ruines de l'aile Est de l'Hotel de Ville. Cette photo est à mettre en lien avec le récent article de Dan au sujet du magasin BATA: http://havrais-dire.over-blog.comhavrais-dire.over-blog.com/article-28794783.html
Aujourd'hui:
A Graville en ruines, terminus de la ligne 2, nous assistons à une curieuse manoeuvre. En effet, à chaque terminus, le Wattman devait retourner la perche de captage du courant, afin que celle-ci soit dans le sens de la marche. Afin de compenser la force du ressort qui plaquait la perche au caténaire, le Wattman était aidé par un contrepoids au bout du câble. Le plus souvent, les Wattmans réalisaient un mouvement de gymnastique en s'accrochant de tout leur poids sur la perche. Ce n'est pas le cas ici.
L'emplacement du terminus de la ligne 2 aujourd'hui:
La ligne 2 avait la particularité comme la ligne 1, d'être exploitée par des rames composées d'une motrice et d'une remorque. Au terminus, celà nécéssitait un certain nombre de manoeuvres et d'aiguillages. En effet, la motrice devait toujours se trouver en tête de rame. Ainsi a chaque terminus, la motrice abandonnait sa remorque pour récupérer la remorque de la précédente motrice, stationnée sur une voie auxiliaire.
Aujourd'hui, nous reconnaissons facilement la maison en briques située juste derrière le tramway...
Gros plan sur la Gare et son beffroi. En 1947, la facade était en rénovation car les explosions des bombes avaient désolidarisé les plaques de marbre qui la recouvrait. Photos à rapprocher avec celles d'Aout 1944 : http://lehavrephoto.canalblog.comlehavrephoto.canalblog.com/archives/2008/09/02/10429048.html#comments
Aujourd'hui:
Un motrice H47 (nouveau modèle) arrive à son terminus de la gare, le long de la façade Sud. Il s'agit des dernières semaines d'exploitation de cette ligne en tram puisque celle-ci sera remplacée peut de temps après par des trolleybus, sur un tracé plus direct pour rejoindre Aplemont via la rue Pasteur.
En effet comme nous pouvons le voir, du haut de sa nacelle, un technicien de la CGFT est en train d'installer les lignes bifilaires spécifiques aux trolleybus.
Pendant ce temps là, la "cocotte minute", terme utilisé au Havre pour désigner l'agent de circulation, s'occupe de réguler la circulation des trams, bus, automobiles, motocyclettes et vélos.
Aujourd'hui:
La ligne 4 (motrice H34) croise une double rame de la ligne 1 au niveau du centre de recrutement des armées, annexe de la caserne Kleber (boulevard de strasbourg). En arrière plan, les gros poteaux en béton sont des poteaux de trolleybus. Il en reste quelques exemplaire de ce type sur la place de la Liberté à sainte Cécile.
Aujourd'hui au même emplacement:
Une rame double de la ligne 1 tourne à l'angle du Boulevard de Strasbourg et du Cours de la République...
Il s'agit d'un convoi articulé, motrice H34 + remorque type "Orléans". Il faut savoir qu'il y'avait beaucoup d'échanges entre les réseaux à l'époque. Ces remorques proviennent du réseau d'Orléans, qui à supprimé son dernier tramway en 1936.
Le même endroit aujourd'hui:
Un motrice H34 sur la ligne 4, rue Gustave Brindeau, à l'angle du Boulevard Winston ChurchillChurchill. Cette ligne allait de l'Hotel de Ville au quartier des Neiges (Abattoirs). Cette ligne est sitée à de nombreuses reprises par Jean Paul Sartre dans "La Nausée".
Aujourd'hui:
Une rame de la ligne 1 en pleine vitesse, place de l'Hotel de Ville sur la chaussée centrale...
La ligne 6 (motrice type H36), place de l'Hotel de Ville, au débouché de l'avenue Foch. Le tas de gravats en arrière plan se situerait à l'emplacement de l'Église Saint Joseph.
Emplacement approximatif de la prise de vue aujourd'hui:
La ligne 6, qui desservait Sanvic et Bléville, avait la particularité de charger beaucoup aux heures de pointe. malheureusement son tracé sinueux dans le quartier Saint Vincent et sa topographie très accidentée ne permettait pas d'utiliser de remorques. C'est comme cela qu'aux heures de pointe, malgré 1 tram toute les 8 minutes, certaines motrices se transformaient en véritables grappes humaines. Les règle de sécurité à l'époque étaient loin d'être aussi drastiques qu'aujourd'hui ;-)
Vue prise au niveau de l'actuelle Caisse d'Epargne régionale...
Aujourd'hui...
Voila, dans moins d'un an, le tramway ne sera plus qu'un souvenir, mais une réalité...l'avenir ! Les travaux doivent théoriquement débuter à la toute fin de cette année ou au début de l'année prochaine. Affaire à suivre !!!