Il y'a 65 ans: Le Havre, nuit du 14 au 15 Juin 1944... Le "Pearl Harbor" Français
En cette fin de journée, la ligne d'horizon est claire. L'armada alliée est toujours perceptible. Les navires semblent posés sur l'horizon. Ils défient les observateurs allemands basés sur nos falaises et les autres de la base sous-marine. Depuis 8 jours, la Kriegsmarine, avec ses vedettes, harcèle la flotte de débarquement et lui cause de lourdes pertes.
Une vedette lance torpille Allemande de type "Schnellboot". Ces vedettes très rapides lançaient leurs torpilles par l'avant, causant beaucoup de dommages à la flotte de débarquement Alliée
Deux photos allemandes de la Base Sous Marine du Havre, située sur le Môle Central (emplacement des murs Par Vent)
La Royal Air Force va intervenir ce soir du 14 Juin. Elle a pour mission de détruire cette imposante flottille, ses bases et les installations portuaires du Havre. A cette occasion, une vingtaine de bombes "Tall Boy" de 6 tonnes seront larguées sur la Base Sous-Marine et la Gare Transatlantique. D'une force explosive considérable, ces bombes ont été spécialement conçues par les Alliés pour les bases sous marines du Havre, et de Brest. Plus tard elles seront utilisées par les Américains au Vietnam...mais ceci est une autre histoire.
Un Lancaster du 617 Squadron chargé d'une bombe Tall Boy avant son décollage pour Le Havre
Caractéristique d'une bombe Tall Boy:
longueur: 6.38m / Poids total: 5390 kg / Poids de la charge: 2358 kg / diamètre: 0,96m
En ce 14 Juin 1944, l'opération commence dès 22h20 par une attaque sur le centre-ville. Une nouveauté, des avions éclaireurs jalonnent leurs cibles avec des fusées. Puis la première vague déferle sur la ville basse et largue sa cargaison de bombes explosives dont certaines d'in gros calibre, dans le périmètre balisé.
Il n'y a pas eu d'alerte, pas de sirène. C'est ca le Front !!! Entre les fusées et les premières détonations, quelques minutes seulement se sont écoulées. La plupart des Havrais ont réalisé que quelque chose de grave allait se passer. de fait, une première vague de bombardiers va déverser, d'une façon hasardeuse, une multitude de bombes de tous calibres sur la ville basse.
Bombardements sur Saint-François et le Port. Vue prise depuis la Chapelle St Michel d'Ingouville. Au premier plan à gauche, une coupole calcinée du Palais de la Bourse. Au centre, l'Hotel des Postes. A gauche, le fronton de l'immeuble "Le Phoenix" situé face à la prefecture.
Les quartiers des Halles-Centrales, du Théatre, de l'Eure, Thiers-Coty, Saint-Joseph, Perrey et Notre-Dame sont particulièrement éprouvés. On recense aussi des chutes de bombes dans le quartier de la Gare, au Rond-Point, à Danton et sur le boulevard de Strasbourg. Le quartier Saint-François n'est pas épargné.
L'église Saint Joseph touchée par une bombe dans la nuit du 14 au 15 Juin.
Il est notoire que la RAF prend l'initiative. Les avions ne craignent plus la Flak Allemande. Ils volent à une altitude moins élevée au'autrefois et la nuit n'est pas encore complète. A la Caserne des pompiers (rue Dumé d'Aplemont), l'alerte est vite donnée. On a remarqué le larguage de fusées d'un avion isolé, puis le déferlement de la vague de bombardiers. Les familles de pompiers gagnent les caves abris. La chute des bombes fait un fracas épouvantable.
L'incendie de la manufacture des Tabacs, rue de Bretagne (saint François)
La carcasse de la manufacture des tabacs quelques jours après
Les pompiers sortent pour un premier sinsitre à la Manufacture des Tabacs (Quartier Saint-François). Sur place, ni eau, ni téléphone. Tout est détruit. Favorisé par le stock de tabac et de papiers, la manufacture brûle comme une torche, éclairant toute la ville. Heureusement, il y'a l'eau de mer du bassin du Commerce, car les bouches à incendies de la manufacture sont inutilisables.
Les ruines de l'Hotel Tortoni (rue Racine), près du Grand Théatre
Un autre sinistre place Gambetta, ou le feu s'est déclaré à l'Hotel Tortoni et dans les immeubles environnants. Puis d'autres foyers sont signalés dans le même secteur. Déjà huit grosses lances sont en batterie. Là encore, on a recours à l'eau du bassin du Commerce parceque les bouches à incendies sont également inutilisables.
Les immeubles au sud de la place Gambetta ont été détruit dans la nuit du 14 au 15 Juin 44. A cet emplacement on trouve aujourd'hui le café Apple Pie
Les pompiers sont sur place lorsque, vers 1h30, survient la deuxième vague. Les bombes larguées sont d'un calibre inhabituel (6 tonnes d'explosifs par bombe contre 500kg habituellement). Les pompiers ressentent les déflagrations et réalisent que les avions sont sur la ville. Ils sont dans le feu et la fumée. Ils n'ont jamais vécu un bombardement d'une telle violence. leurs camarades et leurs familles restés en caserne sont inquiets pour eux.
Vue aerienne du Havre (sens Ouest - Est) prise depuis un bombardier de la RAF dans la nuit du 14 au 15 Juin 1944. On remarque la silhouette des quartier Notre-Dame, Saint-François et Perrey à gauche. L'avant port au premier plan. Sur la photo ci dessous, une bombe Tall Boy explose au niveau de la Gare Transatlantique (avenue Lucien Corbeau)
A partir de 1h30 du matin, le 15 Juin, des milliers de bombes sont larguées sur le port, réduisant à néant la flotte de la Kriegsmarine
Des incendies importants sont encore signalés place Marais (actuel Lycée Porte Océane) et rue Emile Zola. Pour combattre ces foyers, les pompiers ont encore recours à l'eau du bassin du Commerce. Heureusement qu'ils disposent de motopompes, placées à mi-chemin rue Voltaire.
Place Gambetta, au niveau de la rue Voltaire, une femme vient à la reconstre des sapeurs pompiers havrais qui lutte contre l'incendie de l'Hotel Tortoni et de l'ilot d'immeubles situé au Sud du monument aux morts.
Dans les magasins à vivres, rue Emile Zola, les pompiers découvrent les cadavres carbonisés de deux gardiens. Le feu se déclare à la Grande Poste, dans la chambre des batteries. A Monoprix aussi le feu se déclare et la façade de l'immeuble s'éffondre sur la rue Thiers (rené Coty). Des marins de pompiers de Marseille, en détachement au Havre depuis 1942, interviennent également. Le Havre étant en état de siège, il est impossible de demander de l'aide aux collègues de Rouen, Fecamp, Evreux ou Dieppe. Les pompiers havrais ne peuvent compter que sur eux même avec l'aide des Allemands et des Marseillais.
Un peut plus loin, les pompiers luttent contre l'incendie d'un ilot d'immeubles de la rue de Paris
A SUIVRE...
Sources: Un été 44, de l'état de siège à la paix retrouvée. Max Bengtsson
Le Havre 1940-1944, 4 années d'occupation en images - JP Dubosc
Le Perrey au gré du temps et des hommes - Max Bengtsson
Les pompiers du Havre de 1855 à 1955 - Jean Pierre Houlemarre