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Le Havre en photo
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4 avril 2007

Les Exilés de la nuit...(vivre au Havre en 1941)

Le Havre, Aout 1941. Alors que Londres subis le "Blitz" de l'aviation Allemande, Le Havre subis (pour la bonne cause nous allons dire), celui de l'aviation Anglaise. Alors que les Londonniens se réfugient dans les stations de métro, les Havrais s'entassent dans les tunnels du tramway et autres abris de grande profondeur.

Dès 1940, le tunnel Sainte Marie sert d'abris aux civils.  Chaque soir vers 20 heures, après le passage du dernier tramway, les Havrais courbés sous le poids de leur fardeau, quitte le centre-ville et la ville basse, maintes fois bombardés. Il montent la rue Clovis pour aller se réfugier dans le tunnel de la ligne 8. En 1942, les Allemands réquisitionnent le tunnel. La ligne 8 est alors détournée par l'Hotel de Ville et l'avenue Georges Lafaurie. Le tunnel, lui, est transformé en dépôt de munitions. A cette fin les Allemands construisent d'épais murs en béton à l'intérieur. Disposés en chicane dans la galerie, ils permettaient de casser le souffle des bombes tombés à l'extérieur, qui aurait pu pénétrer et d'éviter les explosions en chaîne. A la libération, de véritables scènes de pillages ont lieu: produits alimentaires, tabac, couvertures, bois etc...les armes et munitions de sont pas oubliées ainsi que les grenades à "manches" et obus de petits calibres !!! Que sont devenus toutes ces armes ???????

Le 12 Septembre 1941, 3 ans avant la libération de la ville, Le Havre compte déjà plusieurs centaines de morts. Le même jour, le journal "LE PETIT HAVRE" (l'ancêtre du HAVRE LIBRE et du HAVRE PRESSE) écrit un article, intitulé "Les éxilés de la Nuit"...

Num_riser0026

VOICI L'ARTICLE DE PRESSE:

Dès 5 heures du soir l'éxode commence. Ils s'en vont, suant et soufflant, sur les pentes de la rue Montesquieu et de la rue Clovis, courbés sous de pesants fardeaux, qui sont tout ce qu'ils peuvent sauver, de plus précieux, de souvenirs, de choses utiles...Oh ! bien sur, ce n'est plus l'éxode lamentable que nous avons connu. Ceux-ci ne partent pas dans la pensée qu'ils de retrouveront peut être jamais la douceur du foyer, qu'ils ne reverront peut être jamais plus le petit coin de terre si cher...Ils partent pour un soir, pour échapper aux bombes, au supplice de l'écrasement, pour ne pas mourir d'une mort stupide. Ils partent, mais ils conservent au coeur la foi dans le lendemain, ils gardent Espoir. Ce sont les éxilés de la nuit.

Ils ne vont pas loin, ils n'en ont pas le temps; et les transports coutent si cher...Leur refuge, leur suprême abri se trouve dans un tunnel, le tunnel de la compagnie des tramways du Havre.

Sitôt le trafic terminé, sitôt que le jour meurt, ils s'enfoncent un à un sous les voutes humides, et, la pêle-mêle, entassés, ballots informes, ils attendent le sommeil qui ne peut pas venir, le repos qu'ils ne goutteront guère dans les conditions d'inconfort ou ils se trouvent.C'est qu'il y fait froid sous le tunnel, les courants d'air sont violents. Et les conversations qui vont bon train, les papotages de quartiers, qui fusent a mi-voix; ces milliers de petits bruits indistincts, uniformes, qui énervent: Le mari grincheux accusant sa femme de troubler sa quiétude; une imposante matrone reprochant à son mari d'avoir omis de fermer le compteur à gaz; ceux qui s'obstinent à fumer malgrè l'interdiction; ou bien certains jeunes gens à qui l'inaction pèse et qui dépensesnt leur besoin de mouvement en gammes acrobatiques sur un accordéon criard, ou en bruyante diplomatie à la recherche de la petite fleur bleue...

Alors, ce sont les agens qui passent qui imposent le silence. Tout se tait un instant. Et puis au moment précis ou chacun, vers Morphée s'en va, c'est le cri sinistre des sirènes. Trois cri...c'est l'alerte !

On se dresse. On s'inquiète. On "les" a entendus. "Ils" sont au dessus du centre-ville. "Ils sont au dessus du port. D'autres disent que c'est sur Graville. On discute. On se dispute même, jusqu'au moment ou un ancien combattant de 1914 intervient en conte pour la énieme fois ses aventures au Chemin des Dames ou le "coup de tabac" dans lequel "il a récolté" sa blessure...Conclusion réconfortante. On se dit "ils en ont vu d'autres ceux qui étaient là bas"! Et chacun regagne se place...les hommes bombent le torse, les femmes, la mine fière, indifférentes en apparence à l'affreuse tragédie qui se joue au dehors, sur les toits, et qui peut être demain, fera d'eux des dépossédés, des miséreux dont tout l'avoir tiendra dans ce mince bagage qu'ils ont apportés là.

Après l'alerte, arrivent tous ces érrants du trottoir, ces pauvres clochards sans logis à qui l'on à parfois ravi la place et qui ne l'entendent pas ainsi...surtout à la suite d'un stage au bistrot du coin !!!

Au tunnel l'un d'eux est fort connu pour ce genre de revendication. C'est un "dur", un "dur" en retraite. Il arrive régulièrement, à la limite des heures de circulations des tramways, quand chacun installé de son mieux, sous ses couvertures sourit avec joie quand même à ce bonheur bien relatif.

Celestin c'est son surnom. On l'appellait aussi la "torpille", dans le milieu !...Ce surnom lui vient parait-il, de l'habituelle douceur avec laquelle il repousse tout ce qui l'encombre. Et sans doute, pour faillir cette rénommée, dès son arrivée sous la voute, la "torpille" commence par repousser avec soin et méthode les masses confuses assoupies. Qu'on ne s'avise surtout pas de lui faire reproche de ses façons par très délicates, sinon c'est une explosion d'injures. Et ma foi l'arrivée de la Torpille est une attraction de la soirée !

Elles ne sont pas si gaies ces veillés sous les voutes. Parmi les puces, les odeurs d'huile et d'humidité qui montent dans l'obscurité: elles sont plutôt tristes, tristes d'une tristesse qui fait mal et qui empoigne, même les plus insensibles. Le spectacle est là, lamentable, décevant, dans la misère atroce de ce lieu de souffrance ou chacun vient pour ne pas souffrir plus...

Ici, c'est une grand-mère impotente qu'un petit fils de quinze ans soutient sur ces bras encore faibles; plus loin, c'est une maman qui allaite son dernier né, pendant qu'autour d'elle s'ébattent trois bambins qui ont sur elle l'avantage de l'âge: Ils ne peuvent pas comprendre. Plus loin encore, esseulés dans toute cette multitude, une jeune maman plie sous le triple poids, de son bébé, des pauvres hardes qu'elle peut sauver, et sous celui de l'infortune. Son mari est en Allemagne, prisonnier, comme tant d'autres. Ils se trouve bien, parfois une âme charitable pour l'aider à monter, du quartier de l'Eure ou elle habite; mais les âmes charitables sont rares dirait-on. Et après une journée de travail, c'est d'aller si loin, c'est dur de vivre. Pourtant elle veut vivre, vivre pour ce petit être qu'elle tiens serré contre son sein, pour celui qui est là-bas, de l'autre coté du Rhin. Alors elle vient là, elle aussi, terrer sa jeunesse dans la poussière noire, sur les rails.

Le cas de ces gens là n'est pas particulier. Ils sont légion aussi. Chaque soir le tunnel Sainte Marie en absorbe, peut être cinq milles, peut être dix milles, peut être d'avantage chaque nuit...des jeunes, des vieux, des pauvres, des riches, mêlés côte à côte sous les voutes qui ruissellent, dans cette grisaille unique qui confond toutes les classes. On est mal là dedans, on étouffe à chaque tombée de la nuit, on grelotte sous la brise aigre de l'aube. Et pourtant on y revient au tunnel. On y revient parce que mieux vaut être dans la crasse et dans la misère d'un soir que mourir sous des engins sournois.

Mieux vaut la souffrance que la mort. Les pires choses ont une fin. Des jours meilleurs viendront.

Jean Daigre, journaliste au "PETIT HAVRE"

Num_riser0025

Ci dessus,la condition de vie des réfugiés dans le tunnel. Nous sommes au coeur de la vague de bombardement nocturnes, qui durera de 1940 à 1942.

Ci dessous, l'entrée (condamnée) du tunnel Sainte Marie, aujourd'hui. Cette entrée est visible en bas de la rue Pasteur. Vous remarquerez que les rails du tramway n°8 sont toujours là...

portailbastunnelstemarie1ga

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Commentaires
C
bonjour, je lis vos commentaires qui dates de plusieurs années maintenant alors je me dis que peut etre l'un d'entre vous à cédé à la tentation d'y aller faire une excursion ... si c'est le cas, qu'avez vous vu ? qu'avez vous trouvé ? merci d'avance
M
Je suis tenté, monsieur Bonnot qui fait des choses douteuses avec son chien, mais je ne vois vraiment pas comment y accéder.<br /> <br /> Par contre, il faut savoir que au dessus et un peut plus loin, c'est le cimetierre Sainte Marie...
B
alors monsieur clement on est tenter ?<br /> bha enfaite moi aussi mais j ai l impression sa sert de garage en ce momment fin t as bien vu la derniere fois ...<br /> et puis recupérer des choses dedans <br /> j en suis toujours a me poser la mem question que toi ...<br /> j hesiterai toujours faut croire, en attendant je toucherai a rien ^^
M
Il doit y avoir pas mal de couloirs dans ce tunel, et plein d'objets à récupérer...
J
Une description qui fait froid dans le dos, comme aurait pu la faire Victor Hugo. <br /> Excellent billet.<br /> Par contre pour ton message ci-dessous, j'ai complètement zappé la construction de Coty ???<br /> La seule chose que j'ai retenu c'est un accident tragique d'une personne (connaissance indirecte) écrasée par une grue.
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