Il y'a 30 ans, le 18 Aout 1979, le paquebot FRANCE faisait ses adieux au Havre, son port d'attache
Le Havre ne l'appelera plus jamais FRANCE...
Il y'a 30 ans jour pour jour, le paquebot FRANCE devenu "NORWAY" quittait définitivement Le Havre après avoir croupi 5 ans au quai de l'oubli. Avec le départ de FRANCE, Le Havre tirait un trait sur 125 ans de relations transatlantiques avec New-York.
Le départ de FRANCE à été vécu comme une déchirure au Havre car tout un pan de l'histoire de la ville disparaissait. Les paquebots Transatlantiques étaient indissociables de l'image de la cité Océane, considérés presque comme des "monuments" à part entière. FRANCe était avec NORMANDIE l'un des plus beau paquebot que le Monde n'ai jamais connu et qui plus est, le plus grand !
Mais pouvait-on faire autrement ? La concurrence de l'avion à été fatale à bon nombre de compagnies maritimes de voyageurs. Il n'y a guère que la CUNARD, concurrente anglaise de la FRENCH LINE qui à résisté tant bien que mal avec son QUEEN ELISABETH II, construit en 1969 (10 ans après le France) et réformé cette année, début 2009. A la différence de la TRANSAT, la CUNARD avait parfaitement compris que la concurrence avec l'avion serait défavorable au transport maritime. Le QUEEN ELISABETH II à dès le départ été conçu pour la croisière et non comme un grand transatlantique rapide et gourmand en énergie.
Le Queen Elisabeth II dans les années 70
FRANCE, à été conçu trop top et trop tard à la fois...
Trop top car à la fin des années 50, il était difficilement imaginable que le transport aériens parvienne à concurrencer le transport maritime sur la route de New-York...
Le France le long du Quai Joannes Couvert (Le Havre)
Trop tard car les débats parlementaires qui ont conduit à la construction de FRANCE, ont retardé de 10 ans son lancement. Le paquebot FRANCE qui était indirectement destiné à remplacer le paquebot NORMANDIE, incendié à New-York en 1942, à été conçu de la même manière que son prédécesseur, un grand "Liner", rapide et luxueux, tout à fait en dehors des besoins des années 60. A cette époque, il aurait mieux valu exploiter deux plus petits paquebots qu'un paquebot géant. C'est ce choix qui a été fait par la CUNARD avec le QE2, bien plus petit que le FRANCE.
Le France le long du Pier 88 "French Line" à New York
Bref au début des années 70, la crise du pétrole et la chute du trafic voyageurs à rendu l'exploitation du FRANCE extrêmement déficitaire. Les deux croisières "tours du monde" organisées par la TRANSAT ne lui ont pas permis de renflouer les caisses. De plus le FRANCE, conçu pour la ligne LE HAVRE - NEW YORK, était extrêmement gourmand en fuel. Il devait affronter l'Atlantique Nord par tous temps, toutes saisons, en 4 jours et demi.
France dans la baie de l'Hudson river (New York)
Finalement, en 1974, Valéry Giscard d'Estaing, nouvellement élu, fait annoncer par l'intermédiaire de son Premier Ministre Jacques Chirac, que l'Etat ne couvrira plus le déficit du FRANCE. La décision est donc prise de désarmer la paquebot au Havre. Désarmement qui ne se fera pas sans mal car lors de son avant dernier voyage, les marins du FRANCE ont obligé le commandant Christian Pettré à jeter l'encre en plein milieu du chenal d'accès au port du Havre. La mutinerie durera plusieurs jours avant de mourir à petit feu.
Dernier départ de New York pour le France (été 1974)
Le commandant Christian Pettré, qui dirigea le paquebot de 1970 à 1974...(ici au dessus du Bassin de Marée - Le Havre)
Manifestation en centre ville du Havre pour le soutien de la mutinerie du France
Fin 1974, FRANCE franchit l'écluse François Ier pour rejoindreun quai lointain, entouré par les vaches et les raffineries. Ainsi débute la longue attente au "quai de l'oubli", surnommé ainsi par les havrais.
France franchit l'ecluse François Ier (aout 1979)
Dès lors, la Compagnie Générale Transatlantique, devenu entre temps CGM "Compagnie Générale Maritime", rechercha "l'Homme" providentiel capable d'acquérir le mastodonte. Les idées les plus folles ont circulé, transformer la paquebot en hôtel flottant, en hôpital, en casino, voir même en maison de retraite. Finalement, en Août 1977, le paquebot FRANCE est revendu à un Emir Saoudien, Akram Ojjeh, pour la somme de 80 millions de Francs. Le riche homme d'affaire et intermédiaire incontournable pour le commerce des armes, souhaitait faire du paquebot, un musée de l'art Français en le conservant tel que tout le monde l'a toujours connu.
Au quai de l'Oubli...
Pendant 1 an il va parcourir le Monde avec les projets les plus bizarres pour le FRANCE: Hôtel flottant à Djeddah ou à Beyrouth, Casino flottant en Egypte, à Saint Domingue ou au Canada, mais le paquebot fait du surplace.
Au quai de l'Oubli...
FRANCE doit son salut à un armateur Norvégien, Knut Kloster, propriétaire de la Norvegian Cruise Line. A la fin des années 70, le marché des croisières explosant, la NCL recherchait un navire capable de répondre à l'énorme demande à laquelle ils devaient faire face. Lors d'une visite au Havre, Knut Kloster et sa femme tombent amoureux du FRANCE. Le 25 Juin, l'armateur rachète le paquebot à Akram Ojjeh pour la somme de 77 millions de francs et le rabaptise NORWAY. Il souhaite offrir une nouvelle carrière au paquebot dans la douceur des Antilles.
Knut Kloster et sa femme trinquent à leur nouveau navire... NORWAY
Pour adapter le navire à son nouveau rôle de paquebot de croisière de nombreuses transformations sont prévues. Le projet prévoit de créer des ponts supplémentaires et de supprimer la moitié des machines pour diviser la consommation de carburant par quatre. Des appels d'offres sont lancés aux chantiers du Havre et aux chantiers Allemands de Bremerhaven. Mais finalement les Allemands ont présenté une offre nettement plus intéressante, et c'est dans une nouvelle bataille syndicale que l'ex FRANCE s'apprête à quitter son port d'attache.
18 Aout 1979: des employés des chantiers navals du Havre bloquent la sortie du FRANCE au niveau de l'écluse François Ier
En vain. Le 18 Août 1979, à 8h l'appareillage commence. En fin de matinée, c'est dans un silence de mort, sous un ciel plombé que le FRANCE défile devant les quais du Havre, sous les yeux des dizaines de milliers de havrais en deuil. FRANCE est remorqué comme un chien qu'on conduit au chenil. Au milieu de cette procession mortuaire, FRANCE lance trois ultimes coups de sirènes. Les remorqueurs ne lui répondent pas. Le commandant Kerrignard sugère a l'armateur Knut Kloster, installé au sommet de la capitainerie, de hisser le drapeau Français sur le plus haut mat du navire.
18 Aout 1979: France quitte le quai de l'oubli
...et défile devant les quais du centre-ville du Havre
Il y'a 30 ans, le 18 Août 1979, FRANCE franchissait pour la dernière fois les digues du Havre avec le pavillon Français. Il ne reviendra que 17 ans plus tard, le 16 Septembre 1996.
18 Aout 1979: Ultime départ du France vu de la plage...
Aujourd'hui encore le débat revient souvent sur le tapis: Pourquoi les Français n'ont pas su faire se qu'on fait les Norvégiens ?
Voici l'extrait d'une interview d'Antoine Rufenacht, maire du Havre, et secrétaire d'état sous le gouvernement Giscard, très impliqué dans la sauvegarde du FRANCE:
"Moi je pensais qu'on pouvait sauver le FRANCE, à condition que tout le monde fasse un gros effort, et je pensais surtout que les difficultés du FRANCE, masquaient les difficultés de la Transat elle même. C'était la compagnie elle même qui avait besoin de se réformer pour s'adapter à une compétitivité qui s'est développée considérablement au fil des années dans le domaine maritime et portuaire."
Après 17 ans d'absence, l'ex FRANCE est de retoru au Havre sous le nom de NORWAY...émotion !
Selon Charles Offrey, secrétaire général de la FRENCH LINE, le FRANCE pouvait être sauvé mais il aurait fallu investir massivement pour transformer le paquebot:
"Qu'est ce qu'il aurait fallu faire ? Il aurait fallu investir pour pouvoir avoir la flotte nécessaire. Qui dit investir, dit l'utilisation d'énormes capitaux à engager. A moins d'avoir l'aide de l'Etat la Transat n'avait pas les moyens de le faire, elle ne pouvait pas le supporter et l'Etat n'était pas particulièrement disposé étant donné les déficites que FRANCE accusait à la fin de sa carrière.
L'ex FRANCE à l'agonie en baie d'Alang, (début 2008). La démolition commence !
Finalement, on peut considérer que la perte du paquebot NORMANDIE en 1942, véritable fer de lance de la Transat à eu des répercutions considérables sur la compétitivité d'après guerre. Si NORMANDIE n'avait pas brûlé, il aurait probablement navigué jusqu'au début des années 1970. Dès lors, la Compagnie générale Transatlantique se serait retrouvée dans le même cas de figure que la CUNARD, qui à remplacé ses deux Queen's, le QUEEN MARY et le QUEEN ELISABETH par un paquebot beaucoup mieux adapté aux besoins de la fin du XXeme siècle. Dès lors, FRANCE n'aurait probablement jamais existé tel que nous l'avons connu...mais tout ceci ne sont que des suppositions.
30 ans plus tard, en 2009, la CUNARD à toujours deux paquebots en service, le QUEEN MARY II et le QUEEN VICTORIA. La célèbre compagnie anglaise s'apprête à lancer cette année le QUEEN ELISABETH, troisième du nom.
2008: QUEEN MARY II et QUEEN ELISABETH II reunis à New York (Pier 89). Image qui n'est pas sans rappeler la grande époque des Transatlantiques avant les années 70. QUEEN ELISABETH II à cessé de naviguer à la fin de l'année 2008 et va être transformé en Hotel Flottant aux Emirats Arabes, comem son ancêtre le QUEEN MARY (à Long Beach - Californie).
...et en France, rien de nouveau !
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